Salaires, recrutements : la fin de l’âge d’or pour les cadres de l’éolien et du solaire – Les Echos et ELATOS
Les salaires d’embauche des cadres de l’éolien et du solaire reculent pour la première fois cette année en France, constate le cabinet Elatos. Après la très forte croissance de l’emploi ces dernières années, la filière craint des plans sociaux.
Auprès des étudiants et des salariés en quête de sens, les « énergies vertes » ont la cote. Mais du côté des employeurs, la donne est en train de changer.
« Pour la première fois, nous constatons cette année une consolidation, voire une baisse des salaires à l’embauche dans une grande partie des énergies renouvelables, à quelques exceptions près », déclare Jens Bicking, fondateur d’Elatos. Ce cabinet de recrutement réalise depuis 2018 un baromètre annuel sur l’emploi des cadres dans le secteur.
Ces derniers mois, l’érosion des rémunérations touche principalement les équipes en charge des projets de nouvelles centrales solaires ou éoliennes, victimes des coups de boutoir réglementaires ou politiques, comme la baisse des subventions pour les panneaux solaires sur toiture.
Suppressions de postes
Le salaire d’embauche médian d’un responsable de développement photovoltaïque est passé de 70.000 à 68.000 euros bruts par an entre 2024 et 2025, selon Elatos. Dans l’éolien, il est en diminution de 5.000 euros, à 55.000 euros. « Beaucoup de sociétés ne remplacent plus les départs ou baissent leurs effectifs dans ces métiers », constate Jens Bicking.
Pour le moment, le retournement est surtout visible dans l’éolien en mer. Ce secteur, très dépendant d’un petit nombre de commandes publiques XXL, a perdu 200 emplois en France l’an dernier, selon l’Observatoire des énergies de la mer.
Après un plan social d’ampleur chez le constructeur GE Vernova en Loire-Atlantique l’an dernier, le développeur allemand RWE prévoit de supprimer une cinquantaine de postes dans l’Hexagone, actant ainsi sa sortie de l’éolien en mer en France, où il venait pourtant de remporter son premier appel d’offres avec TotalEnergies.
Dans le photovoltaïque, EDF est en train de fermer l’usine de panneaux solaires Photowatt, avec 162 suppressions de postes à la clé, tandis que la faillite de l’installateur alsacien France Solar s’est soldée par une centaine de licenciements. Ces derniers mois, plusieurs autres PME du secteur, comme EverWatt, ont aussi mis la clé sous la porte. Avec, à chaque fois, des dizaines de licenciements économiques.
Ailleurs, « on ne voit pas encore de gros plans sociaux mais ça va arriver », craint Daniel Bour, président du syndicat Enerplan.
L’attentisme actuel contraste avec le dynamisme des dernières années. Le nombre de salariés dans le solaire avait quadruplé entre 2019 et 2024, pour atteindre 49.500 emplois directs et indirects, selon France Renouvelables.
« Tension générale »
« On n’a pas encore recensé les créations d’emplois de cette année, mais il y a une tension assez générale. Naturellement, vous n’êtes pas disposés à recruter », constate Mattias Vandenbulcke, directeur général adjoint de France Renouvelables.
Les créations d’emplois n’ont toutefois pas été linéaires ces dernières années. Elles avaient ralenti lors de la crise énergétique de 2022, puis de nouveau en 2024, année marquée par la dissolution de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, estime Jens Bicking, « la situation a un goût du moratoire comme en 2010 », lorsque l’État avait donné un coup d’arrêt à la filière solaire, alors en surchauffe.
Dans ce contexte, beaucoup d’entreprises font le dos rond. En perte l’an dernier et récemment racheté par le fonds Ardian, Akuo veut industrialiser son organisation, en triplant ses capacités solaires, éoliennes et batteries dans une douzaine de pays… sans augmenter son équipe actuelle de 450 personnes.
Profils gagnants
Dans la crise actuelle, certains profils tirent néanmoins leur épingle du jeu. Pour les cadres et les dirigeants, « on nous demande des profils plus tournés vers la rentabilité de projets, à l’aise avec les notions de capex, opex et TRI [dépenses d’investissement, dépenses opérationnelles et taux de rendement interne, NDLR], pointe Jens Bicking. C’est le signe d’un marché plus mûr, qui ne peut plus reposer uniquement sur des tarifs garantis ».
Pour les professionnels de la construction et l’exploitation, « les évolutions de salaire sont plus contrastées que pour les équipes de développement, avec parfois des hausses », car l’optimisation et la valorisation de la production deviennent vitales pour la pérennité des entreprises du secteur. « Les spécialistes du pilotage intelligent de la valorisation, de la production et de la consommation d’énergie sont de plus en plus recherchés », constate le patron d’Elatos.
En quête de relais de croissance, nombre de producteurs misent en effet sur le stockage d’électricité, pour améliorer le rendement de leurs centrales, faire du trading d’électricité ou participer, contre rémunération, à l’équilibre du réseau électrique. Mais l’installation de batteries est « moins intensive en hommes que le développement de projets solaires et éoliens », relève Elatos.
Le cabinet constate enfin « un regain d’intérêt pour les fonctions de communication et de lobbying au niveau local, régional et national, qui restent à développer ». L’objectif : contrer sur le terrain les adversaires des énergies renouvelables, qui les jugent trop coûteuses ou inutiles.
Un article d’Amélie LAURIN
Source : LesEchos – 24 oct. 2025
