Recrutement et Salaires dans les Energies Renouvelables

Comme chaque année, GreenUnivers publie son étude sur les salaires […]

Comme chaque année, GreenUnivers publie son étude sur les salaires des cadres du secteur des énergies renouvelables en partenariat avec le cabinet Elatos. Dans un contexte économique dégradé par la crise sanitaire, le secteur se distingue par son dynamisme et recrute beaucoup. Une tendance confortée par le plan de relance présenté par le gouvernement la semaine dernière dans lequel la transition écologique tient une bonne place. Pour atteindre les objectifs ambitieux de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la filière a besoin de bras mais se heurte à une pénurie de compétences qui se traduit par des salaires élevés.

Un secteur en quête de forces vives

Selon une étude d’EY commandée par le Syndicat des énergies renouvelables, pour tenir la feuille de route de la PPE, le secteur aura besoin de recruter des dizaines de milliers de personnes dans les prochaines années. Les besoins sont estimés à 236 000 en équivalent temps pleins (ETP) en 2028 contre 152 000 en 2019, soit 85 000 de plus. Toutes les entreprises interrogées par GreenUnivers affirment avoir au moins un poste à pourvoir, généralement bien plus. « Nous avons prévu de recruter 25 personnes supplémentaires en 2020, ce qui est tout à fait significatif par rapport à notre effectif de 80 salariés », annonce Patrick Simon, directeur général d’EDPR France. Même son de cloche du côté du développeur Technique Solaire qui vient de réaliser une levée de fonds de 25 M€. « Le recrutement est un sujet majeur pour nous car nous visons un doublement de notre équipe dans les trois prochaines années. Cela correspond environ à deux intégrations nettes par mois. Nous cherchons des profils variés : développeurs, chefs de projets, chargés d’exploitation, juristes du foncier, ou encore des ingénieurs étude », indique Thomas de Moussac co-fondateur de l’entreprise.

Un besoin de compétences qui se heurte souvent à un marché de l’emploi tendu. « La situation ne s’est pas améliorée depuis l’année dernière. Nous ne recevons pas assez de CV pertinents même sur des profils relativement standards. C’est encore plus difficile lorsque l’on souhaite sénioriser les effectifs car le vivier de cadres expérimentés est assez réduit », déplore Patrick Simon. Un avis partagé par Laura Bleunard, chargée de recrutement chez Urbasolar : « Le marché me semble encore plus tendu que d’habitude. L’arrivée de très grandes entreprises, du gaz ou du pétrole notamment, a engendré une concurrence accrue sur un marché qui n’avait pas besoin de cela. Les profils de prospection, développement commercial, de construction (chef de travaux) et de maintenance sont très recherchés ».

Les salaires des jeunes enflent

Loi de l’offre et de la demande oblige, les salaires sont tirés à la hausse par cette pénurie de compétences. Alors qu’une récente étude de l’Apec constate une stabilisation du salaire moyen des cadres en France en 2020 à 50 k€ annuels, le secteur des EnR ne semble pour l’instant pas sur cette ligne. Notamment sur les profils juniors qui, c’est l’un des enseignements de cette étude 2020, négocient rapidement, après 18 ou 24 mois, des rémunérations bien supérieures en changeant d’entreprise.  « Nous constatons que les profils relativement juniors (18-24 mois d’expérience) parviennent à valoriser leurs compétences dès le début de carrière et élargir leurs missions et leur domaine de responsabilités ce qui leur permet de bénéficier de bonds dans leurs rémunérations après seulement deux années d’activité dans le secteur », confirme Clara Phelippeau, directrice des Ressources humaines d’Arkolia Energies. C’est la raison pour laquelle dans cette étude, certains profils juniors affichent des salaires bruts annuels plus élevés que des profils seniors à poste équivalent. Cela traduit les bonnes négociations des cadres de la profession lors des recrutements réalisés par Elatos sur les 12 ou 24 derniers mois.

Un phénomène constaté également par Régis Olivès, directeur de l’école d’ingénieurs spécialisée Sup’EnR : « Ils sont beaucoup à vouloir tester et à changer rapidement si cela ne leur convient pas ou qu’une belle opportunité s’offre à eux. C’est une tendance qui ne s’observe pas uniquement dans les énergies renouvelables. Une étude menée auprès des écoles d’ingénieurs françaises montre que les nouveaux diplômés changent d’entreprise en moyenne 3,5 ans après y être entrés, ce qui est très court », constate-t-il.

Autre tendance de cette année, les rémunérations entre les secteurs de l’éolien et du solaire, à poste et expérience équivalent, tendent à se resserrer avec encore une légère avance dans le photovoltaïque, l’énergie renouvelable la plus privilégiée par la stratégie énergétique française. En matière d’éolien, les salaires recensés portent uniquement sur la filière terrestre, l’échantillon des recrutements pour l’offshore n’étant pour l’instant pas assez représentatif. Les rémunérations enregistrées par Elatos sur quelques responsables de ces projets à plusieurs milliards d’euros sont particulièrement conséquentes : 125 k€ pour un responsable du développement (exp 2-5 ans) et 180 k€ pour un responsable d’opérations expérimenté (> 10 ans). « Ces niveaux de salaires peuvent s’expliquer par le profil de ces candidats, certains issus de l’industrie de l’Oil&Gas habitués à d’importantes rémunérations, généralement avec un parcours plus riche, plus confirmé, et à la dimension internationale plus poussée », explique Jens Bicking, directeur d’Elatos.

Par rapport à l’édition de l’année dernière, certains postes affichent des salaires moyens annuels en nette hausse >10%). C’est le cas des responsables développement, responsables exploitation, responsables construction, quelque soit la filière : solaire, éolien, et méthanisation. Des hausses logiques puisque ces postes sont justement ceux pour sur lesquels les entreprises ont le plus de difficultés à recruter. 

Face à un marché de l’emploi tendu, les entreprises des énergies renouvelables doivent se distinguer pour attirer les meilleurs profils. Si le salaire reste un point crucial, bien d’autres paramètres entrent en compte pour des candidats qui attachent aujourd’hui davantage d’importance à la qualité de vie au travail. Le télétravail devient ainsi un phénomène incontournable pour les entreprises.

Le variable peut atteindre 100% du salaire

Pour les postes à responsabilités, le salaire fixe est souvent accompagné d’une part variable versée en fonction de la réalisation d’objectifs convenus en amont. Les entreprises préfèrent généralement rester discrètes sur le montant de la rémunération variable de leurs cadres, parfois très hétérogène d’un salarié à l’autre. C’est un point clé qui arrive souvent en complément du salaire lors de la négociation. « Elle oscille entre 10 et 30% de la rémunération fixe pour des chefs de projets, et entre 50 et 100% pour les profils de direction », estime Jens Bicking, directeur d’Elatos, le cabinet de recrutement spécialisé dans le secteur des énergies renouvelables.

En matière financière, il existe d’autres outils pour relever les rémunérations des salariés à l’instar des primes, des mécanismes d’intéressement ou de participation. « Nous nous attachons à proposer de très bonnes conditions de travail à nos collaborateurs qui sont devenus avec les années très recherchés sur le marché de l’emploi. Nous misons beaucoup sur les avantages complémentaires au salaire (conditions de travail, voiture de fonction, mutuelle, etc), ainsi que le volet RSE. Nous avons de nombreux projets dans le domaine social en cours (CET, intéressement, rémunération variable) », indique Clara Phelippeau, Responsable Ressources Humaines chez Arkolia Energies. Des outils appréciés des entreprises car ils sont plus flexibles et indexés sur les performances du salarié et de la société.

Soigner les conditions de travail

La pénurie de compétences tire donc les rémunérations vers le haut mais aussi les conditions de travail. L’arrivée de très grands groupes issus d’autres secteurs compliquent le recrutement des petites et moyennes entreprises. Ces dernières n’ayant pas les mêmes moyens financiers, elles doivent se montrer créatives et séduisantes dans les conditions de travail. « Nous insistons beaucoup sur la dimension humaine de notre entreprise. Contrairement aux grands groupes, les salariés ont ici un accès direct à la direction. Nous avons aussi l’avantage d’être basés dans le sud de la France (Montpellier), un argument parfois déterminant pour ceux qui aspirent à quitter Paris par exemple. Nous multiplions les initiatives pour favoriser la cohésion, notamment par le sport. Nous revenons par exemple d’un séminaire de rentrée à Biarritz », énumère Laura Bleunard, chargée de recrutement chez Urbasolar.

Le développeur Technique Solaire confirme l’importance des conditions de travail mais aussi, voire surtout, des perspectives d’avenir offertes aux salariés. « Pour conserver les meilleurs profils, le salaire ne fait pas tout. Nous recrutons aussi pour que les candidats soient force de proposition et nous disent quoi faire sur des sujets que l’on maîtrise moins comme le solaire flottant ou le stockage d’énergie. Il faut aussi savoir répondre à leurs ambitions. C’est pourquoi nous avons mis en place en interne une new business initiative pour qu’un salarié qui cherche à développer un projet puisse le faire d’abord chez nous », estime Thomas de Moussac, co-fondateur de Technique Solaire. C’est ainsi que ce développeur a lancé il y a quelques années sa filiale biogaz, créée avec un collaborateur qui a depuis pris la direction de la structure. Une démarche qui s’apparente aux pratiques de certaines entreprises de la Silicon Valley comme Google qui autorisent leurs salariés à travailler sur des projets plus personnels dans l’espoir de les co-développer avec eux par la suite.

Le télétravail se généralise

La crise sanitaire a conduit à un usage accru du télétravail, un phénomène déjà existant dans beaucoup d’entreprises du secteur. Urbasolar a ainsi instauré un jour de télétravail par semaine dès le déconfinement pour la plupart de ses salariés. Chez EDPR, la rentrée sur leur lieu de travail à Paris, Rodez et Toulouse se fait encore sur la base du volontariat. « Les salariés préviennent à l’avance de leur venue pour assurer que les règles sanitaires puissent être respectées. Environ deux tiers de nos collaborateurs se rendent régulièrement au bureau », constate Patrick Simon, le directeur France du groupe portugais. Le chef d’entreprise voit plutôt d’un bon œil le recours au télétravail. Les points négatifs que sont les potentielles distractions, la difficulté de communication et de management de l’équipe seraient compensés par les avantages : gain du temps de transport, davantage de ponctualité aux réunions, un meilleur sommeil et de manière générale une ambiance plus apaisée.

En matière de vivier de compétences, le télétravail pourrait s’avérer une opportunité d’atteindre de nouveaux profils et d’élargir le champ des candidats. « Nous étions régulièrement confrontés à des situations où le candidat avait un profil intéressant mais résidait trop loin, par exemple à Tours pour un poste ouvert à Paris. Cela paraissait difficile à envisager il y a un an, nettement moins aujourd’hui surtout si cela permet une certaine modération salariale. Cela pourrait donc être une très bonne chose dans nos métiers où l’on a tellement de mal à recruter », analyse Patrick Simon.

Le télétravail s’est également invité dans les phases de recrutement, beaucoup d’entreprises du secteur ayant poursuivi leurs process pendant la crise sanitaire. « Les postes sont restés ouverts pendant le confinement. Nous avons recouru davantage à la vidéoconférence pour faire passer des entretiens et avons intégré un collaborateur directement en télétravail », confirme Laura Bleunard chez Urbasolar. Arkolia Energies a misé de son côté sur l’entretien à la demande : « Nous n’avons pas attendu le confinement pour nous intéresser de près aux nouveaux outils numériques de recrutement. Nous utilisons ainsi depuis deux ans une plateforme d’entretien vidéo différé. Elle permet aux candidats de passer une sorte de pré-entretien filmé. Ils choisissent le moment qui leur convient pour l’enregistrer et répondent à une petite série de questions personnalisées. Cela ne dure pas plus de 10 minutes », explique Clara Phelippeau.

Le secteur attire les ingénieurs aéronautiques

Dans un contexte économique dégradé, le dynamisme des énergies renouvelables ne passe pas vraiment inaperçu, notamment dans des secteurs fortement impactés par la crise, à l’instar de l’aéronautique qui forme de nombreux ingénieurs. La région toulousaine pourrait ainsi apporter un véritable vivier d’ingénieurs notamment pour les développeurs solaires très présents dans le sud de la France. Sur le terrain, des recrutements ont déjà eu lieu : « Nous avons récemment intégrer un profil venant de l’aéronautique, et un autre de l’Oil&Gas », confirme Thomas de Moussac. Même son de cloche du côté d’Arkolia Energies : Sur un poste de responsable achats que nous avons ouvert, une candidature sur quatre est issue de l’industrie aéronautique », constate Clara Phelippeau.

Un phénomène de passerelle qui existait déjà mais qui devrait être conforté par la conjoncture : « La crise sanitaire va amplifier le phénomène d’attraction de la filière. Nous notons une tendance des acteurs à s’ouvrir de plus en plus à d’autres profils avec des compétences transférables comme la communication, l’aménagement du territoire, l’élaboration de partenariats locaux. J’ai ainsi l’exemple d’un candidat issu de l’hôtellerie-restauration en sélection finale pour un poste de direction de développement. Du burger à l’éolien », sourit Jens Bicking. Ce serait, à n’en pas douter, une belle reconversion…

Publié initialement sur GreenUnivers

Retrouvez le replay du Webinaire organisé par GreenUnivers sur le thème « Recrutement et salaires dans les Énergies renouvelables – Tendances 2020 » https://bit.ly/2HK0aez

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